On commence à comprendre comment cela va fonctionner, mais surtout ce qui dysfonctionne dans ce service militaire qui cache son nom et qui voudrait passer pour une colonie de vacances, tout au moins en prendre l’image et le personnel !
Les premières fiches de postes, pour les encadrants, sont parues en mai. Nous savons maintenant qui va encadrer sur le terrain. Il y aura des militaires et des personnels d’Etat (Ministère en charge de la Jeunesse) pour la direction, des directeurs et des animateurs d’Accueils collectifs de mineurs sur le terrain. Autrement dit, ce service obligatoire à terme va être encadré par des spécialistes du loisirs. Pourtant les objectifs étaient la lutte contre l’échec scolaire (mais pas d’enseignants), accompagner l’insertion sociale (mais pas d’éducateurs spécialisés, pourtant cités au début), avec des activités sportives (mais sans éducateurs sportifs), non juste des spécialistes du loisirs (pas tous qualifiés, ou avec des diplômes non professionnels) sous les ordres de militaires.
Qu’est-ce qui justifie ce choix ? Il n’est pas éducatif, mais il est économique. L’enjeu est d’utiliser un dispositif spécifique au champ de l’animation. Il existe un statut particulier pour les animateurs occasionnels, Le Contrat d’Engagement Educatif (C.E.E.). Ce contrat permet des horaires particuliers pour un salaire inférieur au SMIC. Il trouve ses origines dans l’histoire des colos qui ne pourraient pas fonctionner sans. Il a été ouvert aussi notamment aux accueils de loisirs. Afin de la différentier d’un contrat pour un professionnel, il est limité dans le temps. On ne peut pas dépasser 80 jours de C.E.E. par an (ce qui correspond aux vacances d’un étudiant).
Or, il s’agit ici de contrats en dehors de vacances et/ou de loisirs, pour une activité sous l’autorité de l’Etat (même si quelques associations ont accepté de prêter leur nom !). D’ailleurs quand on voit le programme (lever et « extinction des feux » à heure fixe avec salut au drapeau et marseillaise, multiplication d’ateliers prévus à l’avance, activités de jours et de nuit, groupe de 10 avec le même tuteur pour les deux semaines… ), s’il s’agit d’une colo, elle date au moins de l’entre-deux-guerres !
Pour mieux comprendre, il faut aussi apprendre le nouveau langage. L’encadrant de base s’appelle « Tuteur de Maisonnée d’appelés ». La maisonnée étant un groupe de 10 « volontaires », cinq maisonnées s’appellent une compagnie. Et il y a plusieurs compagnies dans un centre (surement suivant les capacités d’accueil.
Que demande-t-on à ces tuteurs (extrait) ? « Il partage, nuit et jour, la vie de la maisonnée dont il a la charge. Il est responsable de la vie quotidienne de sa maisonnée et de l’esprit qui l’anime pendant deux semaines. Il veille à développer l’autonomie et la responsabilisation des volontaires et à créer une ambiance de respect mutuel. »
Le tuteur de compagnie « doit notamment :
– accompagner les appelés de jour et de nuit pour toutes les activités : vie courante, sport, formations, tests divers … ;
– veiller à l’assiduité et au respect des horaires pour toute la maisonnée ;
– faire connaitre et respecter le règlement intérieur du centre ;
– signaler aux cadres de compagnie tous les manquements ;
– s’assurer de la réalité du brassage social dans la maisonnée ou dans les activités ;
– créer une cohésion de groupe fondée sur un sentiment d’appartenance à la cellule et sur une saine émulation collective ;
– assurer l’inclusion totale de volontaires à besoins particuliers ;
– faire respecter strictement les mesures de sécurité ;
– identifier les risques, les situations problématiques et savoir agir seul ou en amont des cadres de compagnie ;
– assurer, si nécessaire, le premier lien avec les familles (téléphone mobile).
Enfin, à la demande des cadres de compagnie et en fonction de ses connaissances et/ou de son expérience, il peut assurer ponctuellement des interventions comme formateur. Si ses qualifications ou son expérience le permettent, il prend en charge, dans sa maisonnée, des appelés en situation de handicap ou à besoins particuliers » (extrait d’une fiche de poste)
Cela n’a rien à voir avec la formation des animateurs Bafa (dans le cadre du SNU, ils doivent d’ailleurs avoir une formation complémentaire.
L’utilisation du C.E.E. va juste permettre à l’Etat de faire travailler des personnes 24 h sur 24, pendant 12 jours sans interruption pour un salaire de 60 € brut par jour travaillé (auxquels il faut royalement ajouter 4 jours pour les repos non pris et des jours de formation). Notons que les responsables de compagnie seront eux payés 80 € brut par jour. Les salaires des dirigeants (au dessus de la compagnie) ne sont pas connus, il ne s’agit plus de C.E.E..
Bien sûr cela ne peut pas tenir. Et il faut espérer que les syndicats ou les tribunaux réagissent rapidement. Le C.E.E. n’est pas adapté au Service National Universel, qui n’a rien à voir avec les Accueils collectifs de Mineurs. D’autant plus que M. Attal a expliqué que cela coûtait 2000 € par jeune. On peut se demander où va cet argent, comme on devrait se demander si tous les organisateurs (Ministre, secrétaire d’Etat, Préfet, Généraux…) vont aussi ne percevoir que 60 €/ jour.
Il reste encore des inconnus. Quelles seront les sanctions si des jeunes (de 16 ans) refusent de se lever un matin ou que se passera-t-il dans les années à venir si des jeunes (toujours de 16 ans) refusent de partir au service national ? On peut s’attendre au pire.