En ce mois d’avril, fin des vacances de printemps, il est temps de se préoccuper des vacances pour les enfants cet été. Y aura-t-il des colos ? si oui lesquelles ? Quelques informations circulent, mais elles ne sont pas claires, du moins pas encore.
Le premier point qui doit nous inquiéter, c’est la réponse systématique du gouvernement et surtout du ministre de l’éducation nationale. S’il y a un problème, il suffit d’organiser des colos. Ainsi, quant il a du mettre en place un service national, il a créé des sortes de colos dirigées par des militaires : le S.N.U. ! Quand il y a un problème d’enfants décrocheurs pendant le confinement, il propose d’abord des colos éducatives, puis des colos apprenantes. Il va de soi que toutes les colos sont par définition éducatives et apprenantes. Le ministre voulait dire des colos où l’on apprendrait suivant le programme scolaire, bref des lieux d’apprentissage scolaire, ce qui correspondrait à des classes transplantées, rien a voir avec des vacances. Cela resterait pour autant le projet du gouvernement, créer de nouvelles colos pour les décrocheurs.
La question qui doit de poser est: pourquoi les colos sont-elles une réponse pertinente à tous les problèmes du ministère ? Les colonies de vacances ont fait preuve de leur efficience depuis plus d’un siècle, mais c’est un secteur bien peu reconnu et qui rencontre de nombreuses difficultés. Il y a bien sûr un problème financier. La plupart des organisateurs de colos ne sont pas riches et ont du mal à boucler leur budget. Certains vendent très chers aux plus riches, d’autres essayent de vendre moins chers à tous. L’histoire du secteur a favorisé une construction morcelée de sa représentation (entre les religieux, les laïques, les politiques…) qui aboutit à une faiblesse des organisateurs et surtout des différentes fédérations les regroupant plus ou moins. Les colos, c’est un secteur multi-employeurs avec un taux de syndicalisation faible et la possibilité de faire dire tout et son contraire à des regroupements totalement dépendants financièrement de l’Etat, que ce soit par ses subventions ou par des textes de lois les favorisant. D’ailleurs les mouvements qui vont soutenir les « colos apprenantes » ont aussi soutenus la création du Service National Universel comme ils avaient soutenu le gouvernement précédent pour les rythmes scolaires… Cerise sur le gâteau, les animateurs, même s’ils ne sont plus vraiment occasionnel, peuvent quand même être payés moins que le salaire minimum (cela devrait être réservé à des cas bien précis).
Le deuxième point porte sur le problème de certaines colos, enfin de certains organisateurs de colos (surtout) pour ados qui ont prévu des séjours à l’étranger (très incertains, voire clairement déconseillés) et/ou en camping (souvent dans de petites tentes… qui se montent très vite !). Si on maintient les uns en France et que l’on cherche des hébergements plus sécurisés (pour des groupes d’enfants ou de jeunes, sans avoir des sanitaires collectifs et de petites tentes) , on va vite se trouver en manque de locaux pour cet été. Et s’il y a bien de nombreuses colonies à l’abandon, elles ont souvent été arrêtées parce qu’il fallait y faire des travaux (de sécurité ?). On ne peut donc pas penser les ouvrir dans deux mois. Il reste alors que certains hébergements comme des hôtels non habilités à l’accueil de groupes, par exemple, risquent de ne pas être complet. Est-ce là que le ministre envisage de faire héberger des enfants ? De plus, choisir un lieu, c’est aussi voir quelles sont les activités possibles proches du site. Qu’en sera-t-il des parc d’attractions, des parcs nautiques, de certaines structures de plein air. Ils servent souvent de « vitrine » ou d’activité phare sur les descriptifs des séjours. Seront-ils ouvert ? Ne seront-ils pas limités en nombre de public ? accepteront-ils les groupes (sachant que les individuels payent plus cher) ? Installer une colo en France, pour l’échanger contre un séjour prévu à l’étranger ou aller moins loin va donc poser d’importants problèmes de logistique. Ce problème devrait être amplifié si l’Etat limite le nombre de lits dans une chambre ou de places dans les salles à manger. Les organisateurs de colos ont l’habitude de ces normes, cela fait plus de 80 ans qu’on en a. Mais cette année, ces normes risquent de diminuer encore un peu plus les possibilités d’accueil (alors que le ministre a dit vouloir augmenter le nombre de départ d’enfants en colo).
De là découle mon troisième point. le ministre de l’éducation sème le trouble, là où il faudrait être clair. Il a créé deux nouvelles notions : les colos de proximité qui resteraient dans la même région et des colos conventionnées, sans préciser la différence sauf à sous-entendre qu’elles pourraient sortir de la région. Va-t-il y avoir différentes réglementations ? qui va décider de quoi et quand ? il est évident que l’idée de colos qui seraient dans la région où habitent les jeunes n’est pas nouvelle. Il y en a eu dans toutes les régions, mais c’était à une époque où la plupart des groupes d’enfants partaient ensemble d’un même point de départ. C’était quand la caisse des écoles ou le patronage catholique emmenait ses enfants en colo. C’était avant que l’on commercialise les colos avec des catalogues ou des sites internet, regroupant des enfants venant de partout. En fait, c’était quand les organisateurs résidaient dans la ville où les enfants habitaient et pas dans celle du lieu de la colo (ou dans les grandes villes). Ceci étant, rester dans sa région ou même dans son département peut être très agréable suivant les régions. Résidant en Provence-Alpes-Cote-d’Azur, je bénéficie de lieux tellement variés que je peux passer des vacances dépaysantes dans ma région, de la mer à la montagne. Par contre, pour des parisiens, le choix sera plus limité. De même chaque région ne dispose pas forcément de lieux d’accueils de groupes disponibles en été. L’inter-région est donc une évidence, mais il serait urgent d’en préciser les contours.
Dernier point, c’est bien sûr le personnel. Les annulations des sessions de formation lors des vacances de printemps risquent fort de compliquer un peu plus les recrutements de personnels déjà difficiles depuis plusieurs années. Si on fait une adaptation avant l’été, ce sera des jeunes avec peu de formation. Il serait nécessaire de rappeler les anciens (pas forcément très anciens, encore que, pour certaines activités, il serait pertinent d’aller chercher des « assez » anciens). Comment les motiver ? On sait que ce ne sera pas pour la rémunération, les colos n’ont pas les moyens de payer des fortunes… alors et si on lançait une campagne spécifique… La France n’est-elle en train de montrer qu’elle sait se mobiliser pour certaines causes ? Plutôt que de faire des demandes de dons, nous pourrions faire des demandes d’encadrement pour des temps spécifiques (encore faut-il, pour qu’il y ait des bénévoles expérimentés, qu’il n’y ait pas à côté des salariés moins expérimentés !). Il ne faudrait pas se contenter de dire que les titulaires du Bafa arrêtent très vite de faire de l’animation, mais il faudrait chercher à les faire revenir au moins pour cet été. De nombreux étudiants n’ont pas fait de stage cette année et auront peut-être du mal à trouver des jobs d’été (avec les risques de chômage, notamment dans les secteurs qui recrutent habituellement en été, comme la restauration ,l’hôtellerie…). Etre animateur pourrait de nouveau devenir intéressant. Et puis rechercher suffisamment de titulaires du Bafa nous évitera de devoir recruter les « volontaires » du service national (qui eux seront trop jeunes et non formés) que l’Etat nous proposera.
Les colonies de vacances sont inclues dans un ensemble appelé maintenant A.C.M (Accueils Collectifs de Mineurs) qui regroupe certes les colos mais aussi et surtout les accueils sans hébergement (que l’on appelait, centres aérés, centres de loisirs, CLSH…). Nombreux sont les accueils sans hébergement qui reçoivent des enfants ne pouvant pas partir en vacances ou partant peu en vacances (ce qui risque d’être amplifié cet été, plus de parents devraient travailler). Ces accueils de loisirs sont gérés soit par les mairies soit par des associations. Ils utilisent souvent, et surtout l’été, les locaux scolaires. Enfin les accueils de loisirs accueillent beaucoup plus d’enfants que les colos. Tout cela amène à s’interroger. Pourquoi faudrait que les enfants allant la journée dans leur école, mais avec des animateurs et rentrant chez eux le soir soient considérés comme en vacances, alors que les enfants partant au loin (enfin, pas trop loin) aient eux des cours pendant leurs vacances. Ce qui revient à mettre en place des loisirs à l’école et de l’école pendant les vacances. Si les enfant s’y retrouvent… à la rentrée de septembre. Et encore je ne parle pas de ces enfants fatigués à la fin d’un été où il aura fallu dépasser les fortes chaleurs dans des locaux peu adaptés, rester sur un rythme proche de l’école… et qui fait que de nombreux enfants, ayant fréquenté les accueils de loisirs tout l’été finissent les vacances fatigués et peu disposés à recommencer une année de classe. Là, il y a une importante inégalité entre les enfants.
Qu’est-ce qui devrait être prévu pour cet été ? Comme il ne s’agit pas de critiquer ni de se contenter de présenter les problèmes, voilà comment je pense que l’été pourrait être organisé. Chaque enfant peut être accueilli dans un Accueil de loisirs, en tenant compte de son âge (cela correspond souvent aux différentes écoles). Cela nécessite que l’accueil de loisirs soit un droit (certaines villes limitent ce droit, par exemple en ne permettant de s’inscrire que si les deux parents travaillent). Ces accueils sont encadrés par des animateurs avec des temps possibles de révision ou d’apprentissage (encadrés alors par des enseignants volontaires). S’il n’y en a pas alors les animateurs peuvent, lors de temps particuliers, mettre en place des jeux spécifiques utilisant des compétences normalement développées en classe. Ce « travail » pendant un temps de loisirs n’aura de sens que si les enfants partent après en vacances en famille ou en colo (afin qu’ils aient de vraies vacances). Il appartient alors aux organisateurs des accueils de loisirs de limiter le temps d’inscription à leur structure (pas d’accueil durant 2 mois) et vérification de vraies vacances durant au moins 1 voire 2 semaines. Ces vacances peuvent être organisée par l’accueil de loisirs et/ou par des organisateurs déclarés et/ou par les familles. Il appartient à l’Etat de rendre les colos accessibles financièrement en aidant les familles suivant leur revenu (tout en fixant un prix de journée maximum et raisonnable pour le séjour, il ne s’agit pas de financer des colos trop chères).
Les enfants ne passant pas par un accueil de loisirs peuvent bien sûr s’inscrire directement auprès d’une colonie de vacances. Si celle-ci respecte le prix de journée maximum, ces familles doivent pouvoir aussi bénéficier d’une aide, suivant leur revenu.
Ainsi les enfant pourront rattraper un éventuel retard scolaire si besoin et ne pas être privés de vacances afin d’être prêt pour le rentrée de septembre.
Les équipes d’encadrement des séjours devraient déjà travailler à renforcer les activités, préparer ce qui pourra être mis en place pour maintenir une distance entre les enfants (quand c’est possible raisonnablement) en préparant un bon grand jeu plutôt qu’une sortie dans un parc à thème, des balades plutôt qu’un match de foot, une organisation évitant la promiscuité dans les tentes, éviter les séjours itinérants en minibus… Pour beaucoup d’organisateurs, Il faut réinventer des séjours (ou reprendre un peu de ce que l’on faisait avant en colo). Heureusement, certains organisateurs n’ont pas tout oublié.
Et puis soyons clair. Je n’ai pas besoin d’aller à Londres pour faire un séjour linguistique. En numérisant des diapositives datant des années 60 provenant d’une petite colonie (une quarantaine de garçons) installée dans une petite vallée en montagne, j’ai pu constater qu’une année, les jeunes ont été dans le Far-west avec Lucky Lucke, l’année suivante en gaule avec Astérix et l’année d’après, ils sont allés sur la lune (en même temps que Neil Armstrong). Il faudrait donc dès maintenant commencer à concevoir des décors (réels, pas virtuels) pour aménager les locaux pour réaliser nos voyages… sans aller trop loin.
Alors, quelle colo faut-il choisir pour cet été ? Je pense qu’il faut être attentifs sur plusieurs points :
- la proximité : évitez l’étranger et le lointain. Valorisez les structures dont vous pouvez rencontrer des responsables, voire le directeur du séjour. Si ce n’est pas trop loin, vous aurez peut-être aussi l’occasion d’aller voir le bâtiment, de « sentir » l’ambiance ;
- les équipes éducatives doivent être qualifiées et en nombre suffisant (il risque d’y avoir des formations à la va-vite, voire pour des personnes trop jeunes). N’hésitez pas à demander s’il y a des animateurs qui étaient déjà là l’année dernière ;
- privilégiez, pour cette année, des locaux en dur ou de grandes tentes (type Marabout, avec des lits). Évitez les petites tentes, les campings et l’itinérance ;
- comme on ignore si les parcs et musées seront ouvert, privilégiez les activités traditionnelles comme des grands jeux, des activités manuelles, scientifiques, à la ferme, des randonnées… organisées par l’équipe d’animation, qui contrôlera alors l’organisation et pourra l’adapter au contexte.
- Évitez les « grands » organisateurs (structures proposant de nombreux séjours, très éloignés les uns des autres) . Ils sont un peu trop « tourisme » et pas assez « éducatifs ». Vérifiez s’ils vous feront des avoirs ou des remboursement en cas d’annulation des séjours.
Enfin, sachez que toutes les colos sont déclarées et donc qu’elles respecteront les éventuelles consignes qui pourraient être données par l’Etat entre maintenant et la fin des séjours.