2024 : à propos de l’uniforme à l’école

Le port obligatoire d’un uniforme serait-il une réponse aux difficultés des enfants à l’école

Il est certain que cela n’aurait pas pu être pensé dans les années 80 (celles de ma jeunesse), mais tout arrive dans les années 2020. Le plus jeune Premier Ministre de France veut imposer l’uniforme à tous les élèves, une idée que les « anciens » n’auraient osé avoir mais qui, aujourd’hui, semble faire consensus dans la population.

Après avoir voulu (et vouloir toujours) imposer un uniforme dans le cadre du Service National Universel lorsqu’il était secrétaire d’Etat, Gabriel Attal veut maintenant imposer un uniforme à tous les écoliers de France. L’uniforme semble être une réponse à toute sorte de problèmes : après encourager les jeunes à « s’engager » voilà qu’il va gommer les différences sociales des élèves.

Ce qui n’est pas très clair, c’est à quoi pourrait servir de porter un uniforme pour à l’école. Il semblerait que ce soit pour que tout les enfants soient à égalité (éviter ainsi les problèmes de rackets, de marques..). Si tel était le cas, il y aurait de nombreux autres leviers que l’on pourrait utiliser comme le même téléphone pour tous, les mêmes chaussures, les mêmes tenues de sport… Autant d’éléments qui continueront à marquer les différences sociales. On pourrait aussi s’intéresser à l’environnement des enfants et veiller qu’ils aient les mêmes droits pour les loisirs et les vacances, pour l’espace à la maison, pour l’accès à la lecture…

L’idée que tous les jeunes soient habillés de la même façon, avec juste un écusson pour différencier les écoles, parait être acceptée, mais parait surtout curieuse. Qu’est-ce que cela va apporter aux jeunes et à la société ? Qu’est-ce que l’on va gagner ? Qu’est-ce que l’on va perdre, à commencer par le droit de s’habiller comme on veut ? Il n’est pas sûr qu’une expérimentation suffise à démontrer les bienfaits d’une telle imposition.

Faisons un petit point sur l’uniforme. Dans les écoles en France, il n’a jamais existé pour tous (à part, peut-être l’obligation de porter un tablier, pour ne pas se salir). Seules quelques écoles d’élites, mais aussi il est vrai, certains mouvements de jeunesse (dont quelques-uns expliquent depuis des années qu’il ne s’agit pas d’un uniforme, mais d’une tenue) l’utilisent. Dans le cas des mouvements de jeunesse, il ne s’agit pas d’être tous unis, mais au contraire de se montrer différents des non-membres, d’où le port de l’uniforme lors des sorties (et non quand on reste dans le local, au camp…).

Même sous vichy, il n’y a pas eu d’uniforme obligatoire pour les jeunes (sauf durant la période de « chantiers de la jeunesse », qui remplaçait le service militaire).

On sait déjà que l’uniforme ne fonctionne pas au niveau du S.N.U. (qui lui-même ne fonctionne pas !). Il serait intéressant de regarder ce qui était prévu et où l’on en est aujourd’hui (pour le S.N.U. comme pour son uniforme).

Quels sont les problèmes qui vont être posés par cette nouvelle imposition ?

Le port de l’uniforme ne fonctionnera pas au niveau de l’école. Voici quelques-unes des difficultés qui vont apparaître dans la mise en place, (ou avant, si certains réfléchissent un peu), en admettant que cet uniforme soit gratuit (payé par l’état et les collectivités territoriales). Je les ai classés en trois catégories.

La tenue :

  • les garçons et les filles seront-ils habillés obligatoirement de la même tenue ;
  • est-ce que la longueur et la couleur des cheveux, les piercings et les tatouages seront normés ? Ne risque-t-on pas d’interdire ces derniers ? ;
  • quelle sera la coupe de pantalon adaptée à toutes les morphologies ? Les jeunes en surpoids ne risquent-ils pas d’être en difficulté avec une tenue difficile à porter ? ;
  • partant du principe que la météo varie d’été en hiver et du nord au sud : y’aura-t-il une tenue d’hiver et une d’été, une pour le nord, une pour le sud ? faudra-t-il mettre un pantalon en période de canicule ? Est-ce que tous les enfants de France devront porter la même tenue en même temps ? Si non, qui décidera du calendrier ? ;
  • si l’on veut que tous les enfants soient pareils, il faudrait prévoir aussi les mêmes manteaux, les mêmes cartables, les mêmes chaussures… sinon les différences resteront très visibles ;
  • est-ce que les uniformes seront les mêmes dans les écoles publiques et dans les écoles privées ? ;
  • les enfants pourront-ils mettre des bottes s’il pleut ? De grosses chaussures s’il fait froid ? ;
  • si l’uniforme se compose notamment d’un teeshirt, sera-t-il obligatoire de le mettre en hiver, lorsque l’on est obligé de mettre un pull ? Qui vérifiera ?

Les incidences pédagogiques :

  • en quoi un short ou une robe empêchent-ils de travailler à l’école ? ;
  • refusera-t-on le droit d’entrée à l’école à l’enfant sans uniforme ? ;
  • y aura-t-il un uniforme pour le sport ? d’ailleurs y aura-t-il la possibilité de se changer avant et après les cours de sports ? ;
  • faudra-t-il marcher au pas pour se déplacer dans les couloirs des écoles ?
  • les déguisements seront-ils autorisé dans les cours de théâtre (obligatoires eux-aussi) ?
  • les enfants auront-ils le droit de porter l’uniforme en dehors de l’école ? Et ne seront-il pas invités (obligés ?) à le porter lors de cérémonies officielles en dehors du temps scolaire ? ;
  • y aura-il une tenue pour les enseignants (ou des normes à respecter) ?

Le point de vue technique :

  • fabriquera-t-on en France les millions de tenues nécessaires ? Sinon le gouvernement organiserait une nouvelle dépendance qui entrainera des dépenses à l’étranger et un gaspillage environnemental supplémentaires ;
  • est-ce que les enfants auront une ou deux tenues neuves en début d’année ? Comment faire si les enfants les abiment ou si les enfants grandissent dans l’année ? ;
  • Que fera-t-on des tenues non usées en fin d’année ? Va-t-on donner des vêtements d’occasion à certains (et seront-ils obligés de mettre des vêtements de « seconde main ») ou va-t-on tout détruire ? ;
  • va-t-on embaucher des couturières pour les ourlets et autres retouches ? ;
  • comment compenser les manques des magasins de vêtements (qui vendront moins de fait et qui vont déjà mal) ?

Enfin, Il est courant, pour indiquer s’il s’agit de toilettes féminin ou masculin de mettre un petit logo où l’on devine les filles en jupe (ou en robe) ce qui les différencie des garçons. Quel sera le futur logo si les garçons et les filles seront habillés de la même façon ?

Il est d’ors et déjà à craindre que, une fois de plus, on utilise les accueils de loisirs, avec ou sans hébergement pour tester cette fausse bonne idée. On imagine bien des communes prêtes à imposer une tenue aux enfants en vacances, ce qui serait facilité par le caractère non obligatoire de ces accueils. On a déjà connu dans l’histoire la distribution de casquettes ou de teeshirts au nom d’une publicité, ou pour mieux se repérer au cours d’une sortie…).

Enfin, puisque « l’habit ne fait pas le moine », l’uniforme fera-t-il le bon élève ?

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