Il peut sembler curieux que nous posions cette question. L’équipe du Musée de la colo pense, bien sûr, que les colos c’est super, que c’est « bon pour les enfants » et que c’est super quand des enfants partent en colo.
Hélas, le 5 février 2020, le gouvernement a fait paraître un décret qui modifie (ou qui permet de modifier) les règles de fonctionnement des colos (et des accueils de loisirs). On peut commencer sa formation de directeur non professionnel (et donc diriger une colo) ) à partir de 18 ans au lieu des 21 ans au préalable. Un peu comme si on passait une licence à l’âge du bac.
Certes, ce texte vise probablement à trouver une solution au manque de directeurs dans les accueils collectifs de mineurs, mais il risque de causer plus de problème que d’apporter des solutions. Il faut déjà préciser comment est organisée la formation des directeurs de colos. Il n’y a pas de sélection, il faut juste payer les stages, avoir son Bafa et 18 ans. La formation commence par une session théorique de 10 jours à la fin de laquelle le candidat obtient, sur avis des encadrants, la qualité de directeur stagiaire. Il y a ensuite un stage pratique de 14 jours, une seconde session de 6 jours, un deuxième stage pratique. Le candidat doit alors faire un dossier pour valider son brevet qui est valable 5 ans. Ce qui revient à dire, que les jeunes titulaires de Bafa et ayant 18 ans peuvent suivre un stage pour le B.A.F.D. et se retrouver directement directeur d’une colo. Le seul cas où cela ne posera pas de problème (et qui est probablement à l’origine du texte) c’est pour les pseudos directeurs qui font office de semi-responsables dans les fausses colos du Service National Universel. Comme ils n’ont quasiment aucune responsabilité, cela peut se faire dès 18 ans. Cela existe depuis longtemps dans les colos. On recrutait des animateurs expérimentés, qui avaient une fonction de directeur adjoint. Cela ne justifie pas le décret précité.
Au niveau des directeurs, cela doit questionner les fonctions que ceux-ci sont sensés exercer. A 18 ans, peut-on recruter des animateurs qui auraient notre âge, mais pas les même fonctions, faire des entretiens de sélection ? Peut-on encadrer une équipe d’une dizaine ou plus de personnes, animer des réunions ? Peut-on gérer un économat si l’on n’a jamais fait à manger ? Comment organiser les transports si l’on a à peine son permis (et encore, il est plus long de passer le permis de conduire que de commencer sa formation et donc de pouvoir diriger une colo, où là, il n’y a pas d’examen) sachant que dans la plupart des collectivités, les assurances imposent d’avoir deux ans de permis pour pouvoir conduire les véhicules. Le ministère en charge de la jeunesse envisage-t-il de financer un chauffeur pour conduire les directeurs ?
Au niveau de la formation, on peut penser que cela fera de nouveaux candidats dès avril, ce qui arrangerait surement les organismes de formation. Mais c’est un peu court pour repenser la formation. Pourtant il est évident que les connaissances de base ne sont pas les mêmes à 18 ou 21 ans (certains vont bien sur dire que cela dépend des cas, peut-être, mais la mesure s’applique à tout le monde ! ). Que ce soit sur les connaissances en cuisine, l’autonomie, la maturité…, comment compenser tout cela en 10 jours ? Y-a-t-il des changements dans la formation ? dans les contenus ?
Au niveau des animateurs, cela va être encore plus catastrophique. Là aussi, on manque de monde. Alors, en proposant aux animateurs dès 18 ans, c’est à dire dès l’obtention du Bafa pour la grande majorité des animateurs, ceux qui seront tentés (sous réserve qu’ils aient l’argent pour payer la formation) deviendront directeur… mais ne seront plus animateurs. Autrement dit, alors qu’on manque d’animateurs diplômés, l’état invite les animateurs diplômés à ne pas exercer comme animateur et à devenir de suite directeur (qui plus est, directeur sans expérience, puisqu’ils n’auront pas exercé comme animateur). Le plus grave c’est que les animateurs diplômés développent leurs compétences en exerçant. Ils participent à la formation des animateurs stagiaires. Ils continuent d’apprendre des techniques, de la connaissance de l’enfants, des jeux, des chants… Et quand ils devenaient directeurs à 21 ans ou plus, ils avaient de l’expérience à partager.
Il faut effectivement s’inquiéter sur la qualité de futures colos. Cependant, nous pouvons faire confiance à de nombreux organisateurs de colos qui ne recruteront pas de directeurs trop jeunes. S’il est trop tard pour les catalogues papier, je suis sur que très vite les descriptifs de séjours préciseront que les directeurs ont au moins… 21 ans, tout comme souvent ils précisent les valeurs de l’organisme, le taux d’encadrement lorsqu’il est supérieur au minimum légal…
Comment peut-on s’assurer de l’âge (et de l’expérience) du Capitaine (heu non, du Directeur) ? Et bien dès cette année, n’hésitez pas à le demander, quitte à ce que cela figure en ajout aux documents précisant les conditions du séjour. On peut toujours envoyer ses enfants en colo, il faut juste être un peu plus attentif.