SNU Tout ne va pas si bien que prévu.

C’est surprenant, le Ministère n’a pas été capable de tenir plus de 48 heures sans qu’il y ait un gros problème au service national universel ! Peut-on vraiment lui confier des jeunes ?

Commençons par l’effectif. Il était annoncé avec brio une prévision 3000 jeunes cette année (et il était précisé 13 fois 200 jeunes soit 13 département envoyant chacun 200 jeunes, ce qui aurait dû en faire 2600 !). Et au cours de cette expérimentation, on nous annonce un peu plus de 2000 jeunes (choisis parmi 5000 volontaires). Si le Ministère n’en a choisi que 2000 c’est pour un problème de critères. 5000 volontaires peut-être, mais visiblement qui ne représentaient pas la jeunesse de France.

Les « volontaires modèles » ont pris la parole. On a pu voir quelques « ambassadeurs » dans différents journaux. On a vu parfois les mêmes. J’ai retenu la jeunes femme qui veut être gendarme, le jeune homme qui fait un bac pro dans la sécurité… mais est-ce cela, la représentation des jeunes en France ? Il est normal et même souhaitable que des jeunes avec ce profil soient volontaire pour un service national (en espérant qu’ils soient toujours volontaire après ce premier séjour !). Qu’en est-il des autres ?

Vient ensuite naturellement la question de l’uniforme. Est-il adapté ? L’uniforme remis aux jeunes comprend : 2 polos blancs, 2 tee-shirts, 2 pantalons (dont un de cérémonie), 1 veste, 1 paire de chaussures, 1 casquette pour un coût de 150€[1]. Peut-on se poser la question du lieu de fabrication de cet uniforme à ce prix-là. Peut-on aussi se demander pourquoi il n’y a pas une tenue de sport, à moins que chacun doive amener sa propre tenue ?[2] Et qui lave le linge (4 teeshirts ou polos, c’est court pour 12 jours) ?

Voyons maintenant le problème au bout de 48 heures. Le mardi 18 juin, 29 jeunes ont fait un malaise alors qu’ils devaient rester debout en extérieur au soleil en attendant l’inauguration d’une statue :

  • les jeunes n’avaient pas d’eau pour boire. Pourquoi n’y a-t-il pas des gourdes avec l’uniforme (ce qui serait plus respectueux de l’environnement que des bouteilles d’eau occasionnelle) ? ;
  • pourquoi attendre qu’il y ait autant de jeunes qui faisaient des malaises ? Pourquoi ne pas avoir emmené, dès les premiers malaises, les jeunes à l’ombre ? Est-ce que l’inauguration d’une statue est plus importante que la santé des jeunes ?

Ces deux points montrent à quel point le service national est ringard et non adapté. Est-ce que le responsable a été sanctionné pour mise en danger de jeunes mineurs ? Ou est-ce « normal », un peu comme d’autres jeunes agenouillés les mains sur la tête sous le « contrôle «  de la police ?

Les personnes en charge du SNU ne sont pas capables d’organiser l’accueil de 13 fois 200 jeunes volontaires correctement. Comment peut-on penser qu’ils pourront en accueillir 600 000 pas forcément volontaire dans deux ou trois ans ?

Il ne faut pas oublier qu’un autre jeune du SNU a fait un malaise le même jour, mais cette fois dans le nord à Morbecque[3] au cours du discours de Mme Darrieussecq, Secrétaire d’Etat aux Armées.

Selon Mme Darrieussecq, Secrétaire d’Etat aux Armées, pour le malaise de 25 jeunes[4] du SNU, « Il n’y avait pas de manque d’encadrement : il y a un encadrant pour cinq jeunes et tous ont été formés ». Cette annonce a été faite sur Franceinfo[5].  Le problème n’est pas le nombre d’encadrant, mais  bien leur formation. On ne leur a pas appris que lorsqu’un jeunes fait un malaise, il faut se demander pourquoi il a fait un malaise et mettre son groupe à l’abri : tout son groupe et tout de suite. Ce qui est choquant c’est que les encadrants se sont contentés d’évacuer ceux qui faisaient des malaises au fur et à mesure. L’approche est là celle de militaires (et rappelle bien l’ancien service national), pas d’animateurs, ce n’est en rien éducatif.

La question du pourcentage de volontaires parmi la jeunesse. Le rapport préalable prévoyait que seul 3 % des jeunes refuseraient de faire le service national (estimation présentée comme étant celle des auteurs du rapport). Le journal Le Figaro[6] a présenté un sondage d’Ipsos annonçant que 74 % des 15-25 ans se diraient favorable au dispositif (ce qui ferait déjà 23 % de perdu). Mais les jeunes interrogés sont justement ceux qui ne feront pas le SNU ! Il aurait fallu interroger les beaucoup plus jeunes et leurs parents. En fait, ce sondage a été fait par l’Ifop, à la demande du Cnajep en novembre 2018. A ce moment-là, on ne savait pas grand-chose sur le dispositif. On peut donc prévoir de prochaines études avec un taux de volontaire en baisse.

Ce qui est sûr, c’est que contrairement à ce qui est dit, le gouvernement n’a pas trouvé suffisamment de volontaires correspondant aux profils recherchés. Il y a peut-être eu plus de candidatures (4 ou 5 000 suivant les sites) mais en respectant les proportions (que l’on ne connait pas) souhaitées, seuls 2000 correspondaient. Il n’y a donc pas eu assez de volontaires (on est loin des 3 000 annoncés)

L’évaluation du dispositif, d’après M. Attal, a été confiée à l’Institut d’Etudes Statistiques et de recherche[7] (INJEP), c’est-à-dire à un service du ministère lui-même. Un peu comme un audit interne… qui n’est pas suivi d’un audit externe, une sorte d’auto-évaluation ! C’est à se demander de quoi ont peur le Ministre de l’Education Nationale et son Secrétaire d’Etat ? Il n’est pas question ici de mettre en doute les compétences des chercheurs de l’Injep, juste de dire qu’ils ne pourront pas conduire librement leur étude. Pourquoi ne pas laisser d’autonomie dans l’évaluation ? Qu’est-ce que M. Attal veut dissimuler ? De même les chercheurs devant conduire l’étude ne sont pas cités. Et un groupement d’associations (plus ou moins) d’Education Populaire devrait être sollicité, mais on ne sait pas lesquelles. Est-ce que ce sera celles qui se sont annoncées comme favorables au SNU ?

On commence aussi à voir arriver les sanctions pour les non volontaires quand le service sera obligatoire ! Plusieurs articles abordent les sanctions possibles. Est-ce que ce sera les mêmes que pour la journée d’appel (impossibilité de passer le permis de conduire et le bac) ? Va-t-on aussi fermer les concours de la fonction publique ? Si je n’ai pas envie à 16 ans, est-ce que je pourrais faire mon service plus tard (et enfin passer mon permis) ? Si oui, jusqu’à quel âge ?

Dans un reportage télévisuel, il a été soulevé le fait que si un jeune utilisait son téléphone dans la journée, il serait puni d’appel pendant deux jours.  Que va-t-il se passer si un jeune ne se lève pas ou ne fait pas son lit (ou fait un malaise pendant un rassemblement) ? Et qu’en sera-t-il quand le service sera obligatoire. L’état va-t-il sanctionner sa jeunesse sans l’accord des parents ? Est-ce en accord avec la convention des droits de l’enfant (qui concerne l’enfant jusqu’à sa majorité) notamment l’article 9 « Article 9 1. Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. » Ou l’article 12 « Article 12 1. Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 2. A cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

Un sujet n’a pas encore été présenté, c’est celui des bases de données. L’armée ou un autre ministère va disposer de quantité de données sur chaque jeune français. Cela va aller des informations sur les parents, mais aussi sur la scolarité, le niveau d’étude, la santé, le sport, les compétences informatiques, les photos… Va-t-on aussi leur prendre leurs empreintes, leur Adn ? Qui va être responsable de ce fichier ? Qui pourra le consulter ? Dans quel cas ? Il semblerait déjà que les Maires des communes auront connaissance des jeunes ayant suivi le SNU (afin de pouvoir les convoquer pour les cérémonies). De quelles données vont-ils disposer ? La CNIL a-t-elle autorisé un tel fichier ?

Sans être un « vieux gauchiste »[8], je suis inquiet quand on veut mettre tous les jeunes d’une nation dans le même dispositif, quel qu’il soit. Je pense aussi que certaines méthodes seront totalement inefficaces. Les cérémonies officielles sont désertées depuis longtemps (et surtout par ceux qui ont fait leur service militaire, sinon ce serait plein de monde). Rendre obligatoire la présence en l’appelant volontaire est insultant. La jeunesse vaut mieux que cela.

Rassurons les parents, il n’y a rien de commun entre des colos et le SNU. Vivement que certains s’en rendent compte.


[1] Site lefigaro.fr « SNU L’uniforme des volontaires dévoilé » Emma Ferraud mis à jour le 18 4 2019.

[2] A voir les reportages, il est possible qu’il y ait eu des shorts, mais ce n’était pas indiqué dans l’article cité.

[3] Site La voix du Nord « Morbecque A la base du parc, les jeunes volontaires du SNU apprennent ce qu’est la république » Marie Lagedamon 23-06-2019

[4] Suivant les articles, le nombre de jeunes varie (tous n’étaient peut-être pas du SNU). La gravité des malaises varie aussi.

[5] Site Franceinfo publié 16/06/2019  « malaise de 25 jeunes du SNU, « Il n’y avait pas de manque d’encadrement »

[6] Site lefigaro.fr « SNU L’uniforme des volontaires dévoilé » Emma Ferraud mis à jour le 18 4 2019.

[7] Site Le parisien, interview de M. Attal,  publié le 15 juin 2019

[8] Dans plusieurs articles, on considère les personnes ne souscrivant au SNU comme de vieux gauchistes. Amusant, mais qui a supprimé le service national ? Un vieux gauchiste ou un vieux gaulliste ?